AJOUTS ET CORRECTIONS

 

Cette rubrique est exclusivement destinée aux internautes qui possèdent l'édition gris-rose de La dramaturgie parue en janvier 2008. Les ajouts et corrections correspondant à l'édition verte de novembre 2004 se trouvent ici.

Que le lecteur me pardonne. J'ai bien conscience que tout cela n'est pas très pratique. La présence de cette page est due à deux facteurs : 1- le souhait de ne pas trop pousser à la consommation (si les versions écrue (1994) et noire (1997) méritent vraiment d'être remplacées, les versions verte, gris-rose, bleue et gris foncé sont assez complètes), 2- et puis, comme je l'explique dans la préface, le fait que je cherche toujours à rendre mes livres plus complets, plus justes et plus pratiques.

Yves Lavandier

NB. Les changements sont en bleu .




Page 5, après le deuxième paragraphe :

Ceux qui acceptent l'existence des règles et même conviennent qu'elles peuvent donner naissance à de grandes œuvres ont parfois recours à cette formule classique : "les règles, c'est bien joli, mais il faut savoir s'en affranchir pour trouver sa petite musique personnelle". Le programme est on ne peut plus louable s'il s'agit de s'affranchir de règles qu'on maîtrise. Mais quand on se contente de connaître les règles en théorie et d'en faire fi au moment de passer à la pratique, on se retrouve une fois de plus dans une forme de résistance. Tant que les protagonistes du théâtre, du cinéma et de la bande dessinée se fieront à leur seul instinct pour créer ou accompagner des œuvres dramatiques, ils continueront à jouer à la loterie. Et, comme chacun sait, à la loterie, on perd ou on gagne petit beaucoup plus souvent qu'on ne gagne gros - attention, je parle ici de gagner en intégrité et en cohérence artistiques, pas en nombre d'entrées au box office. On me dira que chacun fait comme il l'entend, en fonction de ses goûts personnels. C'est tout à fait juste quand il s'agit d'engager deux ans de sa vie ou/et de celle de sa société sur un projet. Mais quand on participe à une commission d'attribution d'aide, qu'on passe seulement trois ou quatre heures de sa vie sur un projet, qu'on distribue l'argent des autres, qu'on a donc droit de vie ou de mort momentané sur les œuvres, les goûts personnels et l'"instinct" ne suffisent pas. La décence impose un mimimum de rigueur et de compétence. Nous aurons l'occasion de revenir sur l'épineuse question des règles et de la conscience qu'on en a, en particulier dans les pages 10-6, 193-5 et 475-6.

Page 27, quinzième ligne :

émotions. Mais l'émotion est aussi là où on ne l'attend pas. Un neurologue portugais, António Damásio, démontre dans...

Page 124, sixième paragraphe :

- mettre en scène le personnage, c'est-à-dire écrire des scènes qui le caractérisent même si ces scènes n'apparaîtront pas dans l'œuvre, et même si elles n'ont rien à voir avec l'action ;
- dans le même ordre d'idée, et s'il s'agit d'un autre personnage que le protagoniste, s'intéresser à son parcours comme si le personnage était un protagoniste. D'une certaine façon, il l'est. Tout personnage est protagoniste de sa propre histoire, aussi petite soit-elle. Cette suggestion oblige déjà l'auteur à se mettre à la place du personnage, probablement plus qu'on le fait en général avec les personnages secondaires ou tertiaires. Cela peut aussi amener l'auteur à envisager son récit sous un autre angle, en tout cas temporairement. Un moment délicieux de Shakespeare in love illustre parfaitement ce principe. Shakespeare et sa troupe ont commencé à répéter une nouvelle pièce qui s'appelle Roméo et Juliette. Tous les acteurs sont réunis dans une taverne pour y faire la fête. Une fille de joie demande à Ralph (Jim Carter), le comédien qui joue la nourrice, ce que raconte cette nouvelle pièce. "Alors, vois-tu, il y a cette nourrice…" commence Ralph. En d'autres termes, Ralph voit midi à sa porte. Il est souvent enrichissant pour un auteur de voir midi à la porte de chacun de ses personnages, aussi petits soient-ils;

Page 158, fin du deuxième paragraphe :

longs (comme dans Un jour sans fin). Syd Field est allé tellement loin dans le formatage qu'on trouve aujourd'hui le discours inverse : les trois actes seraient un mythe. John Truby fait partie des porte-drapeaux de cette idée pour le moins radicale. Il a raison de critiquer Syd Field mais, dans son emportement, il jette le bébé avec l'eau du bain. Un dogme en remplace un autre. Je maintiens que toute action humaine, qu'elle soit réelle ou fictive, contient trois parties logiques : avant l'action, pendant l'action et après l'action. En dramaturgie, on appelle ces parties des actes dramatiques (à ne pas confondre, encore une fois, avec les actes logistiques) et on les trouve dans des œuvres aussi différentes que La cerisaie ou Terminator.

Page 226, troisième paragraphe :
L'affiche et tout le premier acte de La journée de la jupe annoncent un sujet original et polémique : une prof de collège excédée (Isabelle Adjani) prend ses élèves en otage et leur enseigne Molière à coup de pistolet. Malheureusement, ce sujet alléchant est traité une minute trente dans le film, le temps d'une scène. Une bonne partie du deuxième acte est consacrée au déroulement policier et logistique banal de la prise d'otages et à une sous-intrigue sentimentale sans intérêt consacrée à l'un des gendarmes (Denis Podalydès).
Que les auteurs de ces œuvres...

Page 243, fin du troisième paragraphe :

ni nécessité". L'intérêt de certains auteurs pour les road movies vient peut-être d'une idée diffuse qui consiste à croire que si les personnages vont d'un point à un autre, cela créera du mouvement. Malheureusement, il ne suffit pas de montrer des calvacades ou des gens qui se déplacent pour obtenir un mouvement autre que superficiel. Le mouvement qui motive le plus les auteurs et les spectateurs est le mouvement dramatique. Et pour créer du mouvement dramatique, il faut un objectif difficile à atteindre et un enchaînement logique d'une scène à l'autre. Il y a plus de mouvement dans Le dîner de cons et Fenêtre sur cour, dont les actions respectives se déroulent dans une poignée d'intérieurs, que dans Easy rider ou Le fanfaron.

Page 311, avant le dernier paragraphe :
On notera que Maison de poupée propose une deuxième question ironique, dont Nora n'est pas la protagoniste mais qui est étroitement liée à la question dramatique : Torvald découvrira-t-il, et de quelle façon, que Nora a un secret embarrassant ?

N.B. Nous l'avons vu, l'immense...

Page 363, cinquième paragraphe :

3- Se moquer de ses personnages. Attention, encore une fois, le mot "moquerie" est à prendre au sens large. Il y a plusieurs formes de moquerie. Se moquer des autres ne consiste pas nécessairement à les prendre pour des imbéciles qui ne comprennent rien à rien. Quand l'auteur de Quatre mariages et un enterrement nous amuse avec Tom (James Fleet), le gentleman farmer qui se vante de posséder une centaine de chambres, il se moque du personnage, ni plus ni moins. Idem de Mike Leigh qui, dans Secrets et mensonges, rend attachante une paumée buveuse de bière (Brenda Blethyn). En s'en moquant gentiment, tout simplement. Se moquer de ses personnages n'est pas toujours une entreprise facile. Beaucoup d'auteurs se prennent trop au sérieux ou ont trop d'affection à l'égard de leurs personnages pour arriver à s'en moquer, même avec compassion. Il est peut-être utile...

Page 380, fin de la note de bas de page :

montage, qu'à un véritable outil de narration. D'autant que le duo présent-flashforward peut facilement, selon la façon dont on l'observe, être considéré comme un duo flashback-présent. Le futur n'est-il pas le présent de demain ? La saison 1 de Damages commence par deux scènes mystérieuses tournées en simili sépia suivies du panneau "6 mois plus tôt". Un long flashback commence. Tout au long des onze premiers épisodes, les auteurs reviennent de temps à autre à l'action présente (en simili sépia) mais l'essentiel de la série se déroule dans le passé. Comme le temps avance dans le passé, le grand flashback finit par rejoindre l'action présente. La jonction a lieu au douzième épisode. A partir de ce moment (et pendant encore un épisode et demi), l'action principale a dépassé l'action présente - qui n'est donc plus vraiment "présente". Or cette action fait encore l'objet de quelques flashes (toujours en simili sépia). Peut-on dire alors que l'action principale constitue un flashforward ? Ou ne serait-ce pas plutôt l'action "présente" qui est devenue à son tour un flashback ? Peu importe, bien sûr. Le fait que le spectateur comprenne les différents temps d'un récit compte plus que les noms qu'on donne à ces temps.

Page 401, fin du 5ème paragraphe :
s'essuie les mains dessus. Antonietta s'en rend compte. Elle fait une remarque ironique mais ne bouge pas.

Page 489, 3ème ligne :
ballon de volley-ball. Dans Jeremiah Johnson, le protagoniste...